Extrait de « Vers la lumière… »
À l’automne de l’année 1982 je lui soupçonnais une nouvelle maîtresse. Ses justifications d’absences se faisaient de plus en plus incohérentes. J’allais donc mettre tout en œuvre pour le démasquer et me transformer en détective privé ! Je relevai le kilométrage de la voiture entre chacun de ses déplacements et me renseignai, discrètement, sur ses horaires de travail qui pouvaient varier d’un jour à l’autre. Avec la complicité d’un collègue et ami, j’étais comptable pour une agence immobilière, je mis sur pied toute une stratégie pour suivre Leroy-Pédantier en voiture.
Un soir, alors que je rentrais chez-moi, je posai ma main sur le capot de sa voiture. La chaleur qu’il me restitua était sans équivoque ; il venait de rentrer. Il ne travaillait pas ce jour-là et était censé réviser, une session d’examens, ou de certificats, était proche. Je lui demandai donc s’il était sorti.
« Mais non voyons. J’ai révisé toute la journée et d’ailleurs je n’ai pas terminé. »
Je savais pertinemment que si je lui mettais le nez dans son mensonge, même preuve à l’appui, et là c’était le cas, il me traiterait encore de « malade » ou de « cinglée ». Immanquablement il trouverait une parade, fut-elle tirée par les cheveux, à l’explication du moteur chaud. C’était inévitablement les mêmes ripostes : nier ses mensonges ou tout simplement faire diversion. Cependant, je gardais en tête qu’à vouloir trop insister je risquais d’éveiller ses soupçons.
Le lendemain, avec mon collègue, nous nous postâmes en sentinelles sur le parking du centre commercial où Leroy-Pédantier remplissait les rayons d’un hypermarché. Mais ce jour-là, les "espions" s'étaient déplacés en vain. Loin de me décourager, j’allais réitérer la semaine suivante, toutefois sans mon collègue qui avait tenté de me dissuader.
« Tu n’arriveras à rien comme cela, il ne peut pas être aussi bête ! »
Il ne le connaissait pas, et il ne me connaissait pas…
Je me postai à quelques mètres de sa voiture et pris mon mal en patience. J’étais persuadée qu’aujourd’hui j’allais enfin savoir sur laquelle il avait jeté son dévolu, (intuition ?) Je la connaissais forcément puisqu’il me les emmenait toutes à la maison, mais pour cette fois la prudence avait été de mise. Je n’avais pas réussi à la débusquer. En procédant par élimination, aucune des femmes parmi nos relations ne pouvait être, à mon sens, une maîtresse potentielle.
Enfin le voilà qui sort, il se dirige vers sa voiture. Je me tasse sur mon siège le temps qu’il arrive jusqu’à la portière. Précaution inutile, il allait rejoindre sa maîtresse, il planait… Même devant lui, il ne m’aurait pas vu !
« Zut, si elle me voit c’est fichu ! »
Au moment de démarrer, je venais d’apercevoir une de ses collègues, et amie de notre groupe. Elle se dirigeait vers sa voiture stationnée un peu plus loin. Je me dis :
« Pas le temps de lui dire bonjour, ce sera pour une autre fois. »
J’avais rarement vu Leroy-Pédantier démarrer aussi rapidement. Je pris tout de même le parti de le suivre malgré notre amie. Elle m’avait certainement vue et je pensais :
« Bof ! Je lui expliquerai un de ces jours. »
Cette course-poursuite n’était pas simple, il commençait à faire nuit et il roulait presque à tombeau ouvert. De plus je prenais garde à ce qu’il y ait toujours au moins deux ou trois voitures entre nous. Un coup d’œil au rétro me permit de remarquer que notre amie avait l’air de me suivre.
— Ah bon ! elle habite par-là maintenant ? pensé-je naïvement. »Ce billet est composé de trois pages donc, pour la page 2, ce sera à suivre... peut-être demain.